Des réactions à mon texte dans Fréttablaðið…

Parmi les réactions à mon texte paru dans Fréttablaðið, il y a celle-ci, déjà entendue sur place  : « durant toute son histoire, les ressources de l’Islande ont été pillées à leur profit par des puissances européennes, nous ne voulons pas que ceci continue si notre réseau électrique est connecté au réseau européen. »   Cette exploitation a été réelle, réduisant les Islandais à un quasi esclavage notamment avec le monopole du commerce imposé par les Danois. On peut donc comprendre cette sensibilité !

Mais :

  • en 2019, le poisson islandais qu’il m’arrive d’acheter en France est-il aussi le résultat de cette spoliation ?  Dans ce cas j’arrêterai immédiatement d’en acheter !
  • l’énergie électrique a ceci de particulier qu’elle est difficilement stockable. La production non consommée est perdue, d’où l’intérêt des échanges transfrontaliers, qui existaient bien avant la mise en œuvre des « Paquets » européens et que ces derniers s’efforcent d’organiser. Ce qu’il convient de préserver n’est pas l’électricité mais l’énergie qui fait tourner les turbines : eau, vapeur, vent…  L’Islande n’en manque pas, à l’exception du soleil ?

Si un jour la connexion est réalisée, ce dont beaucoup doutent, il est très possible que les Islandais aient l‘occasion de s’en féliciter !

Sigmundur Davíð (encore !) comme Shakespeare ?

Bonne surprise : l’article envoyé à Fréttablaðið est paru ce matin, le jour même où le débat sur le 3ème paquet de l’énergie a repris à l’Alþingi. Et mon portrait est en bonne compagnie : Shakespeare…

Voici la version française du texte :

Le tunnel sous la Manche, qui relie  la France et la Grande Bretagne, a 25 ans. Que n’a-t-on entendu sur l’île britannique lorsque le chantier a été lancé !  Des animaux enragés allaient déferler, ainsi que des terroristes, le mildiou allait envahir les merveilleuses plantations du Kent, et des armées d’araignées françaises. Jusqu’au quasi-sommet du Royaume quand Margaret Thatcher refuse la moindre aide publique au financement du tunnel. Shakespeare est appelé à la rescousse (Richard II) :

Cet autre Eden, ce presque paradis,
Cette forteresse que la nature s’est édifiée,
Contre la pestilence et l’emprise de la guerre,
Cette heureuse race d’hommes, ce petit univers,
Cette pierre précieuse enchâssée dans la mer d’argent,
Qui la protège comme un rempart
Ou comme une douve défend une maison
Contre la haine maligne de terres moins fortunées.

Dans une veine plus pratique, je citerai l’anecdote, vraisemblable sinon vraie, des premiers mots lancés par l’ouvrier britannique ayant écarté la dernière pierre entre la France et la Grande-Bretagne : « ça sent l’ail ! ». Depuis lors, 430 millions de passagers ont emprunté le tunnel et 86 millions de véhicules ; bien sur aucune des prévisions apocalyptiques ne s’est vérifiée, même pas l’odeur d’ail !  Même Boris Johnson n’en demande pas la fermeture !

Alors Sigmundur Davíð comme Richard II ?

Je laisserai les Islandais décider eux-mêmes si leur île est une pierre précieuse enchâssée dans la mer d’argent et si tous se reconnaissent dans cette heureuse race d’hommes, descendants en ligne directe de ces Vikings que la nature a sélectionnés pour aborder l’île, s’y installer et y survivre. Mais la question essentielle est celle du rempart et des douves et malheureusement elle est posée de manière caricaturale : « devons nous  renoncer à ce rempart et ces douves pour faire plaisir à quelques technocrates européens travaillant à Ljubljana, siège de l’ACER ? »  Dans le climat actuel il faut beaucoup de courage pour répondre oui. Pourtant, lors de mon denier séjour en Islande, j’ai été surpris par la difficulté pour les tenants du non d’argumenter solidement leur position. Les arguments étaient souvent très semblables à ceux exprimés il y a 25 an en Grande-Bretagne.

Il est dommage que le sujet soit ainsi occulté par les diatribes de Sigmundur Davíð et ses amis, dont l’unique motivation est le désir de revanche du premier pour avoir été exclu du Parti du Progrès après la diffusion des Panama papers. Car la question est essentielle et la réponse mérite mieux que des soupçons sans fondements ou des contrevérités. A titre d’exemple, l’électricité française est gérée à Paris et non à Ljubljana, son prix est fixé en accord avec le gouvernement, et les entreprises publiques ou privées qui la gèrent décident elles-mêmes des quantités à exporter ou importer pour réguler une énergie difficile à stocker !

Avec ses 360000 habitants, largement urbanisés et justement fiers de leurs réalisations économiques et sociales, l’île n’a plus grand chose à voir avec ce qu’elle était voici un siècle. Et elle se trouve à la croisée des chemins : doit elle se crisper sur son insularité, ou au contraire prendre acte de ce qu’elle est aujourd’hui inscrite dans des courants non seulement économiques mais aussi sociaux dont elle bénéficie largement ? Choisir, c’est renoncer à quelque chose. A l’Espace Économique Européen ou Au rempart, aux douves ?  La crise financière de 2008 a montré combien ces protections étaient virtuelles. Faut-il attendre une prochaine crise pour en avoir la confirmation ?

Sigmundur Davíð Gunnlaugsson, le Brexit et l’Espace Économique Européen,

Les lecteurs de mes chroniques ont dû remarquer que je ne parviens pas à éprouver de la sympathie pour Sigmundur Davíð Gunnlaugsson, ancien Premier Ministre, déposé pour cause de mensonge à propos des Panama papers. L’intérêt de ce blog est que je peux « me lâcher », par exemple lorsque SDG prodigue sur Sky News ce conseil aux gouvernants britanniques pour un Brexit sans douleur : adhérer temporairement à l’Espace Économique Européen !  Manifestement l’interviewer est perplexe et a eu du mal à rester poli… On le comprend !

Curieusement Guðlaugur Þór Þorðarsson, actuel Ministre des Affaires Étrangères, et sur lequel Sigmundur Davíð tire aujourd’hui à boulets rouges, avait déjà fait cette proposition, vite retoquée : elle ne pouvait convenir aux Brexiters qui notamment ne veulent pas entendre parler de libre circulation des personnes, elle convenait encore moins aux autres membres de l’EEE , qui n’ont aucune envie de voir arriver la Grande Bretagne dans une organisation qui leur donne satisfaction.

Voici donc une nouvelle preuve de l’amateurisme – litote ! – de cet ancien premier ministre ! Et quand bien même les Brexiters pourraient être intéressés, ainsi que les membres non-UE de l’EEE, comment imagine-t-il que la Grande Bretagne puisse entrer, fût-ce temporairement, dans l’EEE d’ici le 31 octobre, et que cette entrée puisse se faire sans l’accord des membres de l’UE ?  Les spectateurs de cette interview ont du se faire une haute opinion de la  classe politique islandaise !

Groenland : Trump et les Islandais même combat ?

Trump, donc, n’était pas le premier à y penser !!! Grâce à lui, on apprend qu’au début du XXème siècle, alors même que leur île n’est pas encore indépendante, certains Islandais, sous la conduite du poète Einar Benediktsson, proposent de lui associer le Groenland. Ce ne serait que justice puisque le Groenland a été habité pendant plusieurs siècles par des descendants d’Islandais, avant qu’ils ne disparaissent pour des raisons inconnues. L’idée est portée devant l’Alþingi en 1924, et approuvée par sa commission des affaires étrangères… Quant aux « skrælingjar » il ne faut certainement pas attendre d’eux une quelconque opinion sur leur appartenance géo-politique ! Puis l’idée disparaît à son tour, comme sont disparus les descendants de Vikings…

Acheter les États-Unis ?

Donald Trump veut acheter le Groenland, certainement, quoi qu’il promette, pour y construire de ces tours qui ont fait la fortune de sa famille !

En réponse, Kim Kielsen, Premier Ministre du Groenland, propose que le Groenland rachète les États-Unis, et a d’excellentes raisons pour cela : « c’est Leif Eiriksson qui a découvert l’Amérique et c’est son père Erik le Rouge qui a découvert le Groenland et s’y est installé. Il est donc juste que l’Amérique nous soit rendue !  Quant au prix à payer, il ne saurait être très élevé compte tenu de la dette abyssale des États-Unis, moins élevé encore si Trump décide de rester ! ».

combien ?

Avec des références historiques aussi bien fondées, il serait normal que l’Islande soit associée à la transaction. C’est pourquoi il est regrettable que Katrín Jakobsdóttir ait refusé de bousculer son agenda pour recevoir le Vice-président Mike Pence lors de sa visite de l’île…