Sigmundur Davíð (encore !) comme Shakespeare ?

Bonne surprise : l’article envoyé à Fréttablaðið est paru ce matin, le jour même où le débat sur le 3ème paquet de l’énergie a repris à l’Alþingi. Et mon portrait est en bonne compagnie : Shakespeare…

Voici la version française du texte :

Le tunnel sous la Manche, qui relie  la France et la Grande Bretagne, a 25 ans. Que n’a-t-on entendu sur l’île britannique lorsque le chantier a été lancé !  Des animaux enragés allaient déferler, ainsi que des terroristes, le mildiou allait envahir les merveilleuses plantations du Kent, et des armées d’araignées françaises. Jusqu’au quasi-sommet du Royaume quand Margaret Thatcher refuse la moindre aide publique au financement du tunnel. Shakespeare est appelé à la rescousse (Richard II) :

Cet autre Eden, ce presque paradis,
Cette forteresse que la nature s’est édifiée,
Contre la pestilence et l’emprise de la guerre,
Cette heureuse race d’hommes, ce petit univers,
Cette pierre précieuse enchâssée dans la mer d’argent,
Qui la protège comme un rempart
Ou comme une douve défend une maison
Contre la haine maligne de terres moins fortunées.

Dans une veine plus pratique, je citerai l’anecdote, vraisemblable sinon vraie, des premiers mots lancés par l’ouvrier britannique ayant écarté la dernière pierre entre la France et la Grande-Bretagne : « ça sent l’ail ! ». Depuis lors, 430 millions de passagers ont emprunté le tunnel et 86 millions de véhicules ; bien sur aucune des prévisions apocalyptiques ne s’est vérifiée, même pas l’odeur d’ail !  Même Boris Johnson n’en demande pas la fermeture !

Alors Sigmundur Davíð comme Richard II ?

Je laisserai les Islandais décider eux-mêmes si leur île est une pierre précieuse enchâssée dans la mer d’argent et si tous se reconnaissent dans cette heureuse race d’hommes, descendants en ligne directe de ces Vikings que la nature a sélectionnés pour aborder l’île, s’y installer et y survivre. Mais la question essentielle est celle du rempart et des douves et malheureusement elle est posée de manière caricaturale : « devons nous  renoncer à ce rempart et ces douves pour faire plaisir à quelques technocrates européens travaillant à Ljubljana, siège de l’ACER ? »  Dans le climat actuel il faut beaucoup de courage pour répondre oui. Pourtant, lors de mon denier séjour en Islande, j’ai été surpris par la difficulté pour les tenants du non d’argumenter solidement leur position. Les arguments étaient souvent très semblables à ceux exprimés il y a 25 an en Grande-Bretagne.

Il est dommage que le sujet soit ainsi occulté par les diatribes de Sigmundur Davíð et ses amis, dont l’unique motivation est le désir de revanche du premier pour avoir été exclu du Parti du Progrès après la diffusion des Panama papers. Car la question est essentielle et la réponse mérite mieux que des soupçons sans fondements ou des contrevérités. A titre d’exemple, l’électricité française est gérée à Paris et non à Ljubljana, son prix est fixé en accord avec le gouvernement, et les entreprises publiques ou privées qui la gèrent décident elles-mêmes des quantités à exporter ou importer pour réguler une énergie difficile à stocker !

Avec ses 360000 habitants, largement urbanisés et justement fiers de leurs réalisations économiques et sociales, l’île n’a plus grand chose à voir avec ce qu’elle était voici un siècle. Et elle se trouve à la croisée des chemins : doit elle se crisper sur son insularité, ou au contraire prendre acte de ce qu’elle est aujourd’hui inscrite dans des courants non seulement économiques mais aussi sociaux dont elle bénéficie largement ? Choisir, c’est renoncer à quelque chose. A l’Espace Économique Européen ou Au rempart, aux douves ?  La crise financière de 2008 a montré combien ces protections étaient virtuelles. Faut-il attendre une prochaine crise pour en avoir la confirmation ?

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