… c’est en tout cas ce qu’affirme le 13 novembre à l’Alþingi Halldóra Mogensen, qui préside le groupe parlementaire du parti des Pïrates. Elle est immédiatement rejointe par Oddný G. Harðardóttir, puis par Hanna Katrín Friðriksson, ses homologues de l’Alliance Social-démocrate et de Redressement. Seul de l’opposition, le parti du Centre de Sigmundur Davíð Gunnlaugsson ne parait pas troublé.
De quoi s’agit-il ? Samherji, l’un des plus gros armateurs de l’île, aurait versé au moins 110 milliards d’Ikr (environ 900 millions d’€) à des intermédiaires locaux bien placés pour pouvoir pêcher à proximité des côtes namibiennes, au-delà des quotas autorisés par le gouvernement du pays. La source des journalistes de Stundin (journal en ligne) et Kveikur (cellule d’enquête de RÚV) est sure : Jóhannes Stefánsson, ancien responsable de Samherji en Namibie, qui se serait confié à Wikileaks et aurait fourni toutes les preuves nécessaires.
Dans un communiqué fielleux[1] du 12 novembre Samherji cite Þorsteinn Már Baldvinsson, son PDG et principal actionnaire : «nous avons été déçus d’apprendre que Jóhannes Stefánsson, ancien responsable des opérations de Samherji en Namibie, a été impliqué dans des pratiques contestables et a peut-être engagé Samherji dans des actions illégales », et rappelle que Jóhannes a été licencié en 2016. Þorsteinn Már annonce qu’il se met en retrait de ses fonctions « pour ne pas gêner les enquêtes ». Comme s’il était spectateur et ne portait aucune responsabilité dans l’affaire ?
Mais on apprend aussi que, non content de surexploiter jusqu’à épuisement une ressource vitale pour le peuple namibien, Samherji n’en a pas non plus fait profiter les Islandais puisqu’une large partie de ses gains a été transférée aux Îles Marshall par l’intermédiaire d’une banque norvégienne et a servi à payer les salaires des équipages de chalutiers opérant en Namibie, mais aussi sur les côtes marocaines, mauritaniennes ou encore angolaises !
Innocence perdue ? La question n’est pas nouvelle, déjà posée par exemple dans le the End of Iceland’s Innocence, paru en 2010, où le politologue canadien Daniel Chartier fait une très intéressante étude de la presse, islandaise et étrangère, au moment de la crise financière de 2008. Elle est à rapprocher du rapport du GAFI ayant conduit l’Islande sur la « liste grise » (voir mon article à ce propos sur ce blog). « Et si, demande Indriði H. Þórlaksson, ancien chef du service des impôts, sur le site de Stundin, notre apparition sur la « liste grise » ne venait pas seulement d’une négligence des services en charge ?«
Cet article est rédigé dans un pays, la France, où l’on juge au mieux naïf de vouloir faire quelque commerce que ce soit avec les pays africains et d’autres sans acheter très cher les « conseils » d’intermédiaires locaux. Mais en Islande on en parle !!! Si l’innocence est perdue – pourquoi les Islandais devraient-ils être plus innocents que d’autres ? – les réactions que je cite montrent qu’ils ont su garder leurs exigences et leur candeur. A ce jour !
[1] Voir site en anglais de l’armement. Lire aussi la page history de ce site qui répertorie les principales étapes d’une aventure
Mon père (1910-1993) qui a énormément travaillé pour sortir de la misère (souvent jour et nuit) et pour qui l’honnêteté était une vertu très importante s’est sûrement déjà « retourné dans sa tombe » pendant la crise de 2008 et l’a probablement fait plusieurs fois depuis.
Amitiés, Erla
Merci Michel pour cette info passée inaperçue.