A la suite de ma chronique de mars, Hanna Steinunn Þorleifsdóttir, Maître de conférences en Langue, Littérature et Civilisation islandaises à l’Université de Caen Normandie, m’écrit ce qui suit, où elle résume parfaitement bien la réponse islandaise à l’invasion de Covid. Elle m’autorise à la citer :
- en Islande, l’accent est mis sur le dépistage de ceux qui montrent des signes de la maladie ou tout simplement de ceux qui le souhaitent (au 30 mars : 17.904) et de tracer qui les contaminés ont côtoyés avant d’être mis en quarantaine ou en confinement. Et il est décidé dès le début de protéger les vieux et autres groupes fragiles,
- les crèches et les écoles primaires ne sont pas fermées. Par contre, les lycées et les universités le sont,
- c‘est la triade, le responsable de la protection civile, le médecin chef spécialiste des épidémies et le médécin-chef national qui s’occupe de la direction des mesures nationales et de la communication (avec un 4e/5e invité) par conférence de presse quotidienne en direct à la télévision et la radio nationale à propos des opérations nécessaires pour ralentir autant que possible la propagation du virus. Ces rendez-vous quotidiens ont lieu tous les jours depuis un mois. Il est rassurant d’avoir toutes les informations de première main tous les jours à 16h (14h en Islande) sur ruv.is ; le dialogue avec les journalistes aide aussi,
- les politiques ont décidé de se mettre en retrait pour se concentrer sur le côté légal et économique,
- toutes les informations (en islandais, anglais et polonais) sont sur le site https://www.covid.is/data.
Donc, en confirmation de ce qui a déjà été relevé ici, un dépistage aussi systématique que possible (27467 tests au 5 avril soit près de 8% de la population), auquel la société DeCODE contribue largement, rassemblant ainsi de précieuses informations pour ses études ; les personnes infectées sont confinées, et toutes les personnes rencontrées auparavant mises en une quarantaine drastique, d’autant plus justifiée que 53% des personnes concernées seront ensuite diagnostiquées positives. Sont donc actuellement « mises à l’écart » environ 7000 personnes, ou 2% de la population.
Les 98% autres connaissent eux aussi des restrictions, notamment l’interdiction de rencontres de plus de 20 personnes, qui entrainent la fermeture de lieux publics (hôtels, restaurants, cafés, piscines…), l’annulation de spectacles, une réorganisation des établissements scolaires, des précautions dans les magasins… Mais ces restrictions n’ont pas pour effet de casser la vie sociale. Et ceci est essentiel aux yeux des Islandais.
Autre originalité : la séparation des rôles. La gestion de l’épidémie et une communication fiable sur son évolution sont de la responsabilité des médecins et fonctionnaires de police. Il revient aux politiques de faire ce pour quoi ils ont été élus : aider la population à faire face aux conséquences sociales et économiques du ralentissement de l’activité et préparer l’avenir[1]. Cette séparation a une conséquence positive : la confiance, tant à l’égard de la « triade » et de ceux qu’elle représente, qu’à celui du gouvernement, dont la côte bondit de 38.8 à 52.9% (sondage MMR) !
Je reviendrai dans un prochain article sur les conséquences économiques de l’épidémie, soit une crise dont la profondeur dépendra beaucoup de la saison touristique à venir, et notamment de la date de reprise du transport aérien.
Pour ce qui concerne l’épidémie elle-même, voici les résultats du 5 avril, avec toujours les mêmes caractéristiques :
- un nombre élevé de personnes infectées, à mettre en rapport avec le grand nombre de tests,
- un faible nombre de décès à ce jour (6),
- un faible nombre de personnes hospitalisées et en soins intensifs,
- des mouvements importants d’entrées et surtout de sorties de quarantaine.
Selon la triade, mais avec beaucoup de précautions, les résultats constatés semblent confirmer que le pic sera atteint en milieu de mois, pour redescendre quand ?
[1] Voir les dispositions prises à ce jour dans ma chronique de mars
Merci infiniment pour ces mises à jour.
Les données fournies par DeCODE sont véritablement importantes et mettent en évidence l’importance de la contamination et donc la nécessité d’un véritable travail de fond pour isoler les personnes effectivement positives. L’Islande a deux atouts majeurs : c’est une île difficile d’accès (pardonnez-moi cette banalité), et surtout les habitants sont disciplinés et respectueux des consignes. Enfin, le climat, jusque maintenant, n’incite pas vraiment à la randonnée.
Le fait d’être un pays habitué aux difficultés naturelles explique certainement le comportement de la population. Enfin, un autre point, qui peut sembler un détail, a une importance : l’importance des livraisons à domicile (non seulement pour l’alimentation et les les livres), qui s’est rapidement mise en place. Je crois qu’une centaine de magasins de Reykjavík ont mis ce service en place.
Pour conclure, je dirais simplement qu’il serait bon que tout ceci soit connu dans les autres pays : les données de DeCODE d’une part, la façon de réagir des Islandais d’autre part.