Une revue évidemment sérieuse, réfléchie au point que son rythme de parution n’est pas précipité, m’a demandé un article sur Covid en Islande. Il sera en deux parties : partie sanitaire où je reprendrai des statistiques et des commentaires bien connus sur le nombre de tests, sujets souvent abordés ici, et partie « sociale » où je compte rassembler des informations et des opinions, exprimées de ci de là dans mes divers écrits, et que cette rédaction me permet d’approfondir. J’espère être pardonné de donner ici un avant goût de la deuxième partie. Bien évidemment ce que je vis aujourd’hui en France comme personne jugée « à risque » ne peut être occulté.
Car, au delà du recours systématique aux tests, la vraie originalité de l’approche islandaise peut être résumée en un mot : confiance.
- Comme dans les autres pays nordiques, les autorités ont fait appel à la responsabilité individuelle, loin de l’infantilisation connue ailleurs. Et ceci apparaît clairement dans le souci d’informer. Le site internet spécialement créé à cet effet est un modèle du genre. Il donne un accès particulièrement facile à toutes les informations nécessaires face aux diverses situations. De plus les statistiques mises à jour quotidiennement sont d’une exceptionnelle clarté pour comprendre la progression de l’épidémie et ses conséquences,
- Toujours dans le souci de confiance, la gestion de l’épidémie a été confiée à une « triade » souvent citée dans ce blog associant médical et sécurité civile. Par la clarté et la cohérence des informations fournies, et aussi la reconnaissance des limites de leurs connaissances et leurs doutes, ses trois membres sont vite devenus des héros nationaux. La bonne idée est aussi de s’être associés des invités, spécialistes tel Kári Stefánsson de DeCODE ou le directeur de l‘Hôpital national, ou encore des journalistes. Diffusée sur RÚV, télévision et radio, leur conférence quotidienne est très largement suivie,
- En conséquence, les membres du gouvernement se tiennent en retrait. Ce n’est certainement pas à eux qu’il reviendrait de décider du port du masque – jugé inutile – ou de la date de réouverture des piscines ! Par contre les règles édictées dans le « samkomubann » (restrictions de rencontres) sont de la responsabilité des divers ministres ainsi que leur mise en œuvre. Celle-ci est largement facilitée dans une démocratie locale très vivante par l’engagement des élus de tous bords, le « sýslumaður » (approximativement préfet) n’intervenant que pour s’assurer de la conformité à la loi. Au total, le gouvernement va lui aussi profiter de la confiance ainsi générée, passant de moins de 40% d’opinions positives en février à plus de 50% mi mai,
- Et puis il revient à ce gouvernement de préparer l’avenir, et ce n’est pas une tâche facile !
La sortie de crise :
Bjarni Benediktsson, Ministre des Finances et président du Parti de l’Indépendance, le reconnaît : ce sera dur, plus dur que ce qu’il croyait début mars, plus dur que la sortie de crise de 2008. Celle-ci était une crise financière dont la sortie dépendait pour l’essentiel des Islandais eux-mêmes. Elle a largement reposé sur le commerce extérieur, d’abord la vente de biens, aluminium et poisson, grâce a des cours mondiaux en progression, puis à partir de 2010 le tourisme. Cette fois la crise intervient au moment même où le modèle qui a permis à l’économie islandaise un développement sans précédent est mis en question : le tourisme a plafonné dès 2019, la production d’aluminium subit la concurrence chinoise, la vente de poisson est exposée autant aux crises politiques qu’aux évolutions de la consommation. Qui plus est : le Brexit va nécessairement affecter les relations avec un partenaire essentiel.
Une réponse a déjà été apportée : que l’économie islandaise repose moins sur ses ressources naturelles et plus sur des ressources humaines de haute qualité. Et elle a déjà enregistré des succès dans l’ingénierie liée à la pêche, dans la recherche pharmaceutique, etc… Mais, même pour des Islandais, changer de cap prend du temps, et aujourd’hui il y a urgence. La première réponse est de maintenir le pouvoir d’achat et donc un certain niveau d’activité pour que l’envolée du chômage soit aussi brève que possible (voir mon article à ce propos). La seconde est de sauver ce qui peut l’être de la saison touristique en favorisant, non sans quelques risques, l’ouverture aussi rapide que possible de l’île. Heureusement, l’Islande n’est pas seule à s’affairer sur ce sujet : le tourisme est une activité importante pour tous les pays de la zone Schengen.
Car le principal suspense est là : pourrai-je avec ma famille honorer des vols réservés depuis longtemps et rejoindre mi-juillet Hvammur (Snæfellsnes) pour échapper à une ambiance étouffante et m’y ressourcer ?
Bonjour, J’ai trouvé très intelligente la gestion de la crise par les islandais qui ont su séparer la mission des scientifiques de la mission du gouvernement. Cela a permis des discours clairs et cohérents et les pays Européens auraient bien eu une leçon à prendre sur cette façon de faire. Mais bien sûr les retombées économiques sont rudes et, même si j’ai tendance à faire confiance aux islandais pour leur capacité à trouver des solutions efficaces face aux aléas de la Nature, j’espère qu’ils vont en tirer une leçon sur le danger de trop miser sur le tourisme au niveau économique. Le tourisme est en effet beaucoup trop aléatoire et soumis à de nombreux facteurs qui peuvent le freiner brutalement, que ce soit une catastrophe naturelle ou un caprice de mode….Ces dernières années , on était dans la démesure à ce niveau et le visage de l’Islande en était défiguré !
Peut-être cette crise permettra-t-elle de revenir à des pratiques économiques plus équilibrées ? Il faut le souhaiter.
Sans cela cette île que j’adore perdra tout son attrait et tout son charme.