Chronique islandaise – octobre 2020

Bonjour,

Aux résident(e)s de ce pays où les librairies sont perçues comme un haut lieu d’infection, et aux plus chanceux, je propose 7 pages de lecture, abondamment illustrées. J’y traite largement de mon sujet favori, la constitution islandaise – à laquelle j’ai consacré 440 pages, voici 52 ans ! -, magnifique illustration de la vie politique islandaise, la grande mais aussi la petite. Et elle se termine par ce test à la mode sur l’île : « es-tu Katrín ou Helgi Hrafn ? »  Je suis preneur des réponses.

Bon courage, et surtout prenez soin de vous,

Michel Sallé

La réforme de la constitution islandaise, ou comment venir à bout – peut-être ! – d’un vieux serpent de mer…

La revendication d’une réforme de la constitution naît fin 2008 lors de la Révolution des Casseroles, où les manifestants veulent une refonte des institutions « par le peuple » et non par la « clique » politique en place. Le projet arraché à l’Alþingi à l’automne suivant par le gouvernement de Jóhanna Sigurðardóttir a perdu beaucoup d’ambitions, car bon nombre de parlementaires, même dans la majorité d’alors, voient d’un mauvais œil ce qui de fait est une contestation de leur pouvoir. C’est donc une assemblée de 25 membres élus au suffrage universel et pouvant se réunir deux mois, prolongeables de deux autres mois, qui en est chargée et ses travaux seront le moment venu soumis à référendum. Les 25 élus (10 femmes, 15 hommes), dont très peu ont une formation juridique, se réunissent sans désemparer du début avril au 29 juillet 2011, date de la remise de leurs propositions, votées à l’unanimité, à la Présidente du Parlement. Le communiqué qui accompagne cette remise insiste sur trois principes directeurs : répartition claire des pouvoirs, transparence et responsabilité, sous jacents aux principaux changements proposés :

La Commission Constitutionnelle,
au premier rang Freya, déjà rencontrée dans ce blog : « les combats de Freya » octobre 2019
  • chapitre « droits de l’homme » largement enrichi, notamment pour ce qui concerne l’environnement et les ressources naturelles,
  • répartition plus claire des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire,
  • plus grande participation des citoyens, en développant les possibilités de recours au référendum et en leur donnant le droit de proposer des lois par pétitions,
  • révision du système électoral destinée à réduire le monopole des partis,
  • fin du cumul entre les fonctions de ministre et le mandat parlementaire,
  • révision du mode de nomination des magistrats,
  • consécration du principe de subsidiarité pour les pouvoirs des collectivités territoriales,
  • nécessité d’un référendum pour tout transfert de souveraineté vers un organisme international.

Ce n’est pas rien !  Ce n’est pas non plus « révolutionnaire » ; de l’aveu même des participants, il s’agit d’un toilettage article après article. Pourtant les principaux défauts des institutions régissant l’île depuis 1944 sont touchés du doigt, notamment une séparation des pouvoirs peu claire, des ministres qui gardent leur mandat de députés, ou encore des juges, certes inamovibles, mais nommés par le ministre en charge à la fois de la justice et de la police…

Pendant près de six mois on n’entend parler de rien. Puis en mai 2012 l’Alþingi connaît de ces batailles qu’il semble affectionner. À lui seul le scrutin dure 4 heures. 35 députés se prononcent pour, 15 contre, 13 ne prennent pas part au vote. Conformément à la constitution, le référendum sera indicatif ; il aura lieu le 20 octobre 2012. Les 114 articles, pas toujours très clairs, seront décomposés en 6 questions. Malgré la difficulté de l’exercice, la participation est proche de 50%, et 2/3 des votants disent « oui » aux propositions de la Commission Constitutionnelle. 50%, c’est moins que la participation aux autres élections (de 75 à 80%), mais c’est bien plus que ce qui était prévu compte tenu de la difficulté de l’exercice. On peut donc parler de succès. Même Bjarni Benediktsson, Président du Parti de l’Indépendance et très hostile à la Commission Constitutionnelle, le reconnaît et a le bon goût d’en prendre acte immédiatement : « le peuple veut changer la constitution ».

Katrín : « l’Alþingi doit bien au peuple une réforme de la constitution »

Mais rien ne se passe, sinon quelques soubresauts sans suite, jusqu’à ce que Katrín Jakobsdóttir, lors de la négociation de l’accord de législature, impose à ses deux alliés, dont le parti de l’Indépendance, de reprendre le projet …et décide de le faire ! Elle est soutenue en cela par un mouvement populaire important : selon un récent sondage MMR 59% des sondés jugent nécessaire de revoir la constitution. Et 40000 personnes signent une pétition en ce sens. Qui plus est : les prochaines élections législatives auront lieu dans un an !

On a vu ici (article du 7 juillet 2020) ce qui est prévu pour le Président de la République, plus audacieux au demeurant que ce prévoyait la Commission Constitutionnelle. Deux autres modifications devraient être soumises à l’Alþingi : une règle claire sur l’appropriation publique ou privée des ressources naturelles, et l’introduction dans la constitution de la défense de l’environnement. Où l’on voit que face à des alliés plus que réticents la Première Ministre a choisi d’avancer prudemment…

Car d’autres attentes sont très fortes, notamment la possibilité d’organiser des référendums d’initiative populaire et une réforme du code électoral pour réduire la surreprésentation à l’Alþingi des électeurs vivant en dehors de la capitale et ses environs. Le serpent de mer va-t-il enfin être vaincu ?

Chronique islandaise septembre 2020

Bonjour,

Covid, covid…  Désolé d’être lassant !

J’y joins un peu d’économique, un doigt de politique et de social, une tapisserie, et même du spirituel…

Bonne lecture,

Michel Sallé