Islande : les élections législatives du 25 septembre 2021

Bonjour,

Qui a gagné ?

Hier les Islandais votaient. Parce qu’il ne faut pas compter sur la presse française pour rapporter un événement si loin d’elle, je vous en livre ici les résultats.

Mes commentaires viendront avec ma chronique de septembre, qui, compte tenu du temps nécessaire à la réflexion, aura peut-être un  peu de retard… 

Bonne lecture,

Michel

Les Islandais, entre conservatisme et aventure…

De passage à Reykjavík, cet été, je déjeune avec un Français qui y vit et travaille depuis plusieurs années et qui, à la différence de beaucoup d’étrangers, recherche les contacts avec les habitants de l’île. Nous évoquons l’adhésion de celle-ci à l’Union Européenne. Pour lui comme pour moi, elle est inéluctable ; il serait donc préférable de l’anticiper plutôt que d’attendre d’être au pied du mur.

Mais, dit-il, « les Islandais sont très conservateurs, voire pusillanimes ; tout changement leur fait peur ! ». Cette affirmation un peu désespérée me surprend alors que je porte l’image d’Islandais farouchement individualistes, à l’affut de toutes les nouveautés, entreprenants, prêts à prendre des risques pour réussir, et heureux de montrer cette réussite !

De plus je suis toujours gêné par des affirmations genre « les Français sont ceci… », « les Allemands ne sont pas cela… », tant il y a d’exceptions. Et cette gêne s’applique évidemment aux Islandais. J’écris donc ce qui suit avec beaucoup de précautions, et suis prêt à entendre, voire approuver, toutes objections, en particulier si elles viennent d’Islandais.

Mais le constat de mon interlocuteur s’appuie sur des événements précis, quand, à partir d’informations souvent erronées, se sont déchainées de véritables hystéries collectives. La dernière est l’opposition au 3ème Paquet de l’Énergie (voir mes articles des 16 août et 2 septembre 2019) : « l’UE va piller les ressources énergétiques de l’Islande !!! » entend on, alors que celle-ci n’est pas raccordée au réseau électrique européen. Et il y en a eu bien d’autres : le remboursement des clients de l’agence bancaire Icesave, l’adhésion à l’Espace Économique Européen, l’adhésion à l’OTAN… Tous sujets qui aujourd’hui ne font plus polémique…  Certes, dans le cas de Icesave, la rébellion s’est trouvée justifiée par la Haute Cour de Justice de l’AELE, mais son jugement[1] s’est avéré inutile puisque la banque Landsbanki disposait des actifs nécessaires à ces remboursements.

Observons d’abord que les exemples cités plus haut portent tous sur la place de l’île dans le monde, et le sentiment de fragilité et de vulnérabilité de cette dernière dans un environnement instable mais toujours menaçant. L’Islande pourrait alors chercher à se protéger, comme l’a fait Malte ?  Non, selon la plupart des dirigeants politiques de l’île, la coopération nordique et l’adhésion à l’OTAN sont des protections suffisantes. Mais les Pays Nordiques sont bien petits et l’OTAN très incertaine !  Au nom de leur liberté les Islandais font un pari optimiste sur la paix et le multilatéralisme !

En interne la communauté montre plus d’audace, qu’il s’agisse de l’égalité femmes-hommes, du mariage homosexuel, de l’avortement, de la PMA, mais toujours avec le souci de parvenir le plus près possible d’un vrai consensus à l’Alþingi, quitte à surseoir au vote si l’on est trop loin de ce dernier.

S’il y a frilosité, elle concerne donc essentiellement la place de la communauté dans le monde et repose sur la crainte d’être absorbée dans des ensembles où elle perdrait son identité, identité qu’elle s’attache à affirmer en toutes occasions. Il est vrai que le débarquement anglais au petit matin du 10 mai 1940 a été un acte humiliant même s’il se comprend compte tenu du contexte : pas la moindre information préalable donnée au gouvernement en place alors que celui-ci vient de dénoncer l’Acte d‘Union avec le Danemark !

Mais dans les exemples que j’ai cités l’identité islandaise était loin d’être en péril !  Tout se passe comme si les Islandais avaient eu besoin de vérifier leur cohésion et saisi la première occasion montée en épingle par des hommes politiques populistes peu scrupuleux quant à la réalité des faits, tels Sigmundur Davíð Gunnlaugsson et son Parti du Centre.

Alors, entre une communauté conservatrice et des individus prêts à toutes les aventures pour réussir, où est le moyen terme ?

En fait il ne s’agit pas d’opposition mais de synergie. L’entreprise aventureuse ne peut être engagée que si elle repose sur la sécurité qu’apporte une communauté, telle l’aire nécessaire au sauteur pour prendre son élan, et dont il va vérifier la solidité avant l’épreuve.

le pays des opportunités

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Car pour être inclus dans la communauté islandaise ses membres doivent lui être utiles, apporter une contribution qui sera reconnue de ses pairs, quelle que soit sa forme, économique, sociale, artistique… Le succès est important mais moins que la volonté de contribuer au développement et à la renommée de la communauté. L’échec est lui aussi accepté, auquel on trouvera une explication telle que la personne concernée puisse s’engager sans crainte dans un nouvel essai. Celle ou celui qui n’essaie pas est étiqueté « ónýt(ur) », inutile, et c’est là une véritable mise au banc du groupe ! Par contre qui s’engage peut compter sur la sécurité qu’offre une communauté sure de sa solidité, car périodiquement testée.

Revenons au regret de mon interlocuteur à propos de l’adhésion à l’Union Européenne : ce n’est pas le conservatisme qui est à l’œuvre mais la perception, fondée ou non, que celle-ci est un outil de nivellement étouffant toute indépendance et toute aventure.


[1] dont je paraphrasai ainsi le jugement dans ma chronique de janvier 2013 : « même si les clients des banques doivent être protégés en cas de défaillance, on ne peut exiger d’un état qu’il intervienne dans cette protection ; dans le cas où les avoirs des banques sont insuffisants, il appartient à la profession de se mobiliser».  Jugement curieusement passé inaperçu !