Est-ce la sortie de l’hiver, évidemment bienvenue ? La société islandaise est toute en agitations, notamment au spectacle qu’offrent deux de ses ministres et non des moindres.
Sigurður Ingi et la couleur de Vigdís
Ainsi des propos racistes de Sigurður Ingi Jóhannsson, ministre des Infrastructures. Le parti du Progrès, qu’il préside, est né en 1916 comme parti agrarien et l’a toujours été jusqu’à la quasi disparition des paysans. Mais la Chambre d’Agriculture est maintenant dirigée par des membres du parti de l’Indépendance, tant Gunnar Þorgeirsson, son Président que Vigdís Häsler, sa Directrice administrative, d’origine indonésienne. Sigurður Ingi est de mauvaise humeur et accompagne de propos jugés racistes son refus de figurer sur une photo avec les dirigeants de la chambre. Vigdís se dit insultée. Le scandale est énorme, attisé par les dénégations de Ingveldur Sæmundsdóttir, directrice de cabinet du ministre « non, je n’ai rien entendu », quelques minutes avant que Sigurður Ingi s’excuse devant la presse : « de ma vie j’ai toujours considéré toutes les personnes comme égales ». Le 7 avril, Vigdís et Sigurður Ingi se rencontrent, et Vigdís publie un communiqué selon lequel l’affaire est close. Pour elle ! Car l’opposition ne manque pas cette occasion pour demander la démission du ministre. Comme le permet la constitution Sigurður Ingi est aussi député. A ce titre il devra répondre devant la présidence de l’Alþingi du non-respect de l’éthique à laquelle tout parlementaire doit s’engager.
Bjarni et son père
Au même moment un autre ministre est attaqué. Bjarni Benediktsson, ministre des Finances et président du parti de l’Indépendance, veut depuis longtemps, malgré une hostilité générale, vendre une partie des participations gardées par l’État dans la banque Íslandsbanki, anciennement Glitnir, mise en faillite lors de la crise 2008. Mais cette vente de 22.5% des actions détenues par l’État, réalisée par la Commission de Gestion des Banques que dirige un ami très proche du ministre, paraît suspecte. Sous le nom de fonds qu’ils dirigent des particuliers auraient acheté des actions dans des conditions avantageuses, ainsi que des salariés de la banque. Lorsqu’enfin, après de longues tergiversations, la liste en est connue, le scandale est patent. Y sont la plupart des « business vikings » dont les noms rappellent aux Islandais les très mauvais souvenirs de la crise financière de 2008, et parmi eux Benedikt Sveinsson, le père du ministre. Bjarni s’étonne : il avait pourtant demandé aux membres de sa famille, qui passe pour la plus riche de l’île, de ne pas souscrire à cette vente !
Résultat : selon un sondage Maskina du 12 avril, chacun des trois partis au gouvernement perd environ 2 points d’intentions de vote, et théoriquement leur majorité. Pour le grand bien de l’Alliance Social-démocrate (+4%) et surtout des Pirates (+7%) qui, avec près de 18% des intentions de vote, dépassent le parti du Progrès. Mais nous savons les Islandais peu rancuniers ; il est probable que ces partis retrouveront vite leur niveau antérieur.
Et il n’y pas que les ministres…
Car il est une Islandaise rancunière : Sólveig Anna Jónsdóttir, présidente du syndicat Efling, qui avec ses 30000 adhérents, est le deuxième syndicat islandais. En conflit avec les représentants des salariés du syndicat, elle a démissionné en novembre 2021 (voir chronique de ce mois). Réélue en février avec 54% des voix des adhérents, elle est claire : « nous sommes là pour servir les intérêts de nos adhérents, les salariés du syndicat qui ne sont pas d’accord avec sa présidente peuvent aller ailleurs ! » Et parce qu’ils ne partent pas assez vite, elle annonce, le 11 avril, un licenciement collectif de tous (plus de 50 !) ces salariés. Ceux-ci en reçoivent la confirmation dès le lendemain. Du jamais vu, même en Islande où la législation sur les licenciements est peu contraignante, et un bel exemple pour les employeurs ! Réélue Vice-présidente en février, Agnieszka Ewa Ziółkowska reçoit elle aussi sa lettre. Et s’inquiète : « Sólveig Anna va-t-elle s’autolicencier ? »
Guðríður et les blancs
Revenons au racisme : Bryndís Björnsdóttir og Steinunn Gunnlaugsdóttir, artistes plasticiennes, ont volé sur la côte sud du Snæfellsnes une célèbre statue de Ásmundur Sveinsson représentant, portant son enfant, Guðríður Þorbjarnardóttir, cette femme dont les Islandais(e)s sont si fièr(e)s, car non contente d’être la première européenne à avoir posé le pieds sur le sol américain, d’avoir fait fuir les Indiens en se dépoitrayant, elle a donné naissance au « premier enfant blanc ». Le projet de Bryndís et Steinunn est d’envoyer Guðríður sur la lune dans une fusée de leur fabrication pour qu’elle y reproduise le même exploit.
Rien de ce qui précède n’est terminé. J’y reviendrai donc dans ma prochaine chronique, peut-être même avant !
Et au milieu de ce tumulte admirons ces trois enfants arrivés parmi les 600 Ukrainiens qui à ce jour ont été accueillis en Islande.
Une réponse sur “Bruit et Fureur en Islande…”