L’Islande et le compromis (suite)

Dans mon article du 21 novembre j’ai décrit ce modèle ancestral du compromis sur lequel a reposé le développement de l’Islande. Trois exemples parmi d’autres : le choix du christianisme, la longue mais pacifique marche vers l’indépendance puis la souveraineté, le Pacte de Solidarité signé en 2009 et qui s’est avéré essentiel pour une sortie de la crise financière de 2008 plus rapide que prévu.

Mais voici que de nouveaux dirigeants syndicaux sont apparus, à la tête d’organisations représentant des populations de salarié(e)s nombreuses mais peu reconnues : employé(e)s du commerce, de l’hôtellerie et de la restauration, des écoles, soit une majorité de femmes, souvent d’origine étrangère. Les noms de ces dirigeants sont souvent revenus ici : Ragnar Þór Ingólfsson (VR – 38000 employés du commerce), Sólveig Anna Jónsdóttir (Efling – 30000 employés peu qualifiés), auxquels s’est joint Vilhjálmur Birgisson (fédération des salariés d’Akranes), devenu ensuite président de la fédération SGS, qui regroupe Efling et des salariés d’activités plus traditionnelles, soit 72000. Les trois échouent à prendre le pouvoir dans la confédération ASÍ et annoncent leur intention de négocier directement avec SA (employeurs).

la tradition : Vilhjálmur (SGS) et Halldór Benjamín (SA) célèbrent leur accord en mangeant des gaufres
négociation ? Sólveig Anna et Efling (à droite ) face à SA, au centre le Médiateur

Les négociations sont en cours, avec des situations très différentes pour le trio : Vilhjálmur (SGS), revenu à l’approche traditionnelle du compromis, a signé un accord, ensuite largement approuvé par les organisations qu’il fédère, sauf Efling.  Ragnar Þór a lui aussi signé un accord, mais affiche son  mécontentement du résultat obtenu. Quant à Sólveig Anna, elle se plaint de n’avoir pas été informée de la négociation de SGS et en récuse le résultat : « la leçon des semaines passées est que les travailleurs n’obtiendront aucun résultat de négociations où des dirigeants s’enferment dans des salles avec les représentants du patronat et en gardent les clés.  Nous n’aurons de résultat que si les travailleurs participent directement aux négociations, dont la progression est publiée, et s’ils sont unis derrière leur direction. » Mais Sólveig Anna ne pose-t-elle pas ainsi la question de sa propre légitimité dans une organisation dont elle a licencié tous les employés (voir mon article « Bruit et Fureur en Islande ») ?

reconnaissance ?

Les deux photos ci-dessus illustrent parfaitement les deux stratégies. J’y joins une troisième qui montre la volonté de Efling de faire manifester des salariés trop souvent oubliés. Mais les donner en spectacle est-il un bon choix dans un pays adepte du compromis ?