À cette question, qui à juste titre taraude le monde, le journaliste Egill Bjarnason apporte de passionnantes réponses dans son livre « How Iceland Changed The World » (Penguin Books). Il nous donne quelques clés dès son introduction :
A première vue il peut paraitre présomptueux de considérer l’Islande comme un joueur-clé sur la scène mondiale. Après tout l’Islande n’a jamais eu d’armée, n’a jamais tiré sur un autre pays, n’a jamais eu de litige frontalier avec ses voisins. N’a jamais prétendu être une puissance hégémonique d’aucune sorte. Alors comment expliquer son emprunte tout au long de l’histoire de l’Occident ? Sans les Islandais, personne n’aurait connu la mythologie nordique, et l’histoire des rois nordiques du Moyen Age (Snorri Surluson). Sans l’Islande le monde de l’Angleterre à l’Égypte n’aurait pas connu une famine majeure, qui elle-même a produit un climat politique aboutissant à la Révolution Française (éruption des Skaftáreldar appelés ici Laki). Neil Armstrong n’aurait jamais pu se préparer à fouler la lune. (…) Le monde aurait dû attendre encore longtemps avant d’avoir une femme élue chef d’État. Et l’Atlantique Nord serait tombé sous la coupe des Nazis et non des Alliés lors de la seconde Guerre Mondiale, avec toutes ses conséquences.
En bon Islandais, Egill privilégie volontiers le plaisir de l’anecdote à la rigueur de l’Histoire. Mais quel palmarès ! En plus des faits cités dans son introduction il consacre des pages méritées à Árni Magnússon et son inventaire des ressources de l’île (1703), le premier du genre en Europe ; à Jörgen Jörgensen, Danois autoproclamé « Protecteur de l’île » (1809) et dont l’aventure rocambolesque est comme un premier pas vers l’indépendance de l’île ; à Thor Jensen, autre Danois, qui va largement contribuer au développement commercial de l’île (voir mon article de blog à son propos), et dont les enfants, Ólafur, comme Premier Ministre, et Thor, comme premier représentant de l’île aux États-Unis, seront parmi les principaux acteurs de son émergence sur la scène politique. Y manque – est-ce volontaire ? – la seule guerre que l’Islande a engagée, et gagnée, contre les chalutiers écossais, pour défendre sa Zone Exclusive de Pêche, portée unilatéralement à 200 milles marins.
On doit convenir que certains épisodes, tels l’éruption des Skaftaáeldar ou l’invasion britannique du 10 mai 1940, ont été plus subis que voulus. Voulue la découverte de l’Amérique par Leifur Eiríksson ? Egill lui consacre ses premières pages, mais insiste surtout sur le rôle de cette femme extraordinaire qu’a été Guðriður Þorbjarnardóttir, mère de Snorri, premier Européen né en terre américaine. Plusieurs années plus tard Snorri accueillera dans sa ferme de Glaumbær sa mère, devenue nonne après un voyage à Rome.
En tête de son chapitre Egill cite Oscar Wilde : « les Islandais sont la plus intelligente race sur terre, car ils ont découvert l’Amérique mais n’en ont rien dit ». Et c’est peut-être par tout ce qu’ils ont fait mais n’ont rien dit (y compris Egill) que les Islandais, à défaut de marquer l’histoire, ont fait preuve de la plus grande originalité. J’y reviendrai en un second épisode.