Dans un article du 11 mars d’avant Covid intitulé « l’Église Nationale d’Islande – 1 : un peu d’histoire » je tentais d’expliquer par l’histoire pourquoi aujourd’hui encore l’Église Nationale occupe une place importante dans la vie des habitants de l’île. Elle est « nationale » car, conformément à la Constitution, l’État doit la protéger et que 2/3 des contribuables acceptent de participer à son financement, alors que leur pratique religieuse est très faible .
Mais croyants ou pas, de nombreux Islandais estiment le moment venu de couper le cordon entre l’Église et l’État. C’est ainsi que peu de temps après sa prise de fonction comme Ministre de l’Intérieur (septembre 2019), Áslaug Árna Sigurbjörnsdóttir (Parti de l’Indépendance) a annoncé sa volonté d’aller jusqu’au bout de la séparation de l’Église Nationale et de l’État. Selon elle il y va de l’intérêt des deux parties, mais c’est surtout l’État qui gagnerait à se désolidariser d’une institution qui semble en perte de vitesse.
Comme pour toute désaffection, les causes sont de deux ordres : une institution qui ne répond plus à certaines attentes, d’une part, et d’autre part des propositions plus conformes aux aspirations du moment. Le tableau du nombre des inscrits[1] montre bien ce double mouvement :
2010 | 2015 | 2020 | ||||
Inscrits | % | Inscrits | % | Inscrits | % | |
Église Nationale | 251487 | 79.2 | 242743 | 73.8 | 231112 | 63.5 |
Église Catholique | 9672 | 3.0 | 11911 | 3.6 | 14632 | 4.0 |
Fríkirkjan (Rvik+Hafnarfj.) | 13591 | 4.3 | 15972 | 4.8 | 17219 | 4.8 |
Ásatrúarfélag | 1402 | 0.4 | 2375 | 0.8 | 4764 | 1.3 |
Siðmennt | 0 | 0 | 1020 | 0.3 | 3507 | 1.0 |
Musulmans (3 assoc.) | 591 | 0.2 | 875 | 0.3 | 1281 | 0.4 |
Hors institutions | 10336 | 3.2 | 18458 | 5.6 | 26114 | 7.2 |
Les institutions (Siðmennt n’est pas une église) ainsi financées sont au nombre d’une trentaine. Je n’ai retenu ici que les principales. Les deux évolutions les plus significatives sont évidentes : l’Éࣽglise Nationale reste largement dominante, mais tombe en 10 ans de près de 80 à 63.5%. A l’inverse le nombre des « refus de choisir » fait plus que doubler, de 3.2 à 7.2 % ; et parmi ceux-ci beaucoup disent ne pas comprendre pourquoi ils doivent financer des organisations confessionnelles.
Comme on sait, la progression de l’Église Catholique est due au nombre croissant d’immigrés polonais. L’évolution du nombre de Musulmans a une cause comparable. Par contre les autres lignes sont significatives en ce qu’elles témoignent comme les « hors institution » d’une opposition à l’Église Nationale. C’est le cas notamment des deux « Fríkirkjan » (Reykjavík et Hafnarfjörður), toutes deux anciennes et qui se réclament d’un luthéranisme indépendant de l’État, au point que l’opposition à l’Église Nationale, – jugée « plus catholique que le Pape » ! – semble être leur propos principal. L’ « Ásatrúarfélag » associe ceux qui rêvent, avec plus ou moins de sérieux et de goût des libations, d’un retour au paganisme tel qu’il est décrit dans les Edda. Le mouvement a été créé en 1972, mais sa progression est nouvelle et pourrait se poursuivre : les Islandais ne sont ils pas tous peu ou prou païens ?
L’association « Siðmennt[2] » est récente mais se développe très vite. Il s’agit d’un mouvement social et non religieux, qui se qualifie d’ « humaniste », se veut apolitique même s’il reconnaît reposer sur des valeurs d’égalité et de tolérance. Son propos est de préparer toutes personnes intéressées aux événements qui ponctuent la vie de la communauté islandaise : baptêmes, confirmations, mariages, obsèques, en insistant sur leur valeur sociétale et non religieuse. Par exemple la préparation à la confirmation dure 11 semaines à raison de sessions hebdomadaires de 80 minutes.
Et que se passe-t-il du coté de l’Église Nationale ? Ce sera pour un prochain article !
[1] je rappelle que chaque contribuable paie un impôt destiné à financer l’institution de son choix, ou aucune, auquel cas sa contribution va à des actions caritatives
[2] Voir leur site en anglais